Les principes du YOGA
Les principes du YOGA
Pour édifier la conception de Sri Aurobindo(*1) sur le but de l’existence qui est d’installer l’harmonie, Prithwindra Mukherjee(*2) énonce : « La vaste ascèse pour sublimer et concentrer toutes les parties de la personnalité (depuis les couches neuromusculaires les plus matérielles jusqu’à la volonté et l’idéation) autour d’un idéal spirituel est connue comme le Yoga… »
Qu’est ce qui permet de faire le lien entre cette pratique physique qu’est le Hatha-Yoga et la possibilité de conceptualiser notre ressenti, voire même d’accéder à la notion de transcendance.
Les médecins yogin ont clairement admis que la santé morale était déterminante pour la santé physique, (et vice-versa), en recherchant avec minutie qu’elles pouvaient en être les règles. Pour ce faire il se sont inspirés de leur philosophie classique qui comportent différentes écoles dont celle du Yoga et du Samkhya ainsi que des recherches « Tântrika ». ( Le Tantra est un vaste courant spirituel dont les différentes techniques visent l’éveil de la Conscience.) Ces écoles philosophiques sont des systèmes nommés Darsana que l’on peut traduire par « point de vue » ou « vision sur ».
Le Samkhya est un système codificateur qui répertorie les réalités constitutives du monde et de l’être psychique. Le Yoga s’appuie sur cette analyse pour élaborer une approche psychologique de l’Être. « …celui-là voit vrai, qui voit que Samhhya et Yoga sont un. » (Bhagavad-gita). (*3)
Il énonce que les douleurs sont de trois sortes :
-Venant des forces qui nous dépassent : Adhidaiva
-Venant des éléments : Adhibhuta
-Venant de soi : Adhyatma
Les causes des deux premières nous sont inaccessibles mais Adhyatma nous donne toutes nos chances de modifier le chemin emprunté si les résultats de ce choix ne s’avèrent pas optimal. Le Yoga préconise l’étude de soi (Svadhyaya) particulièrement bien notifié dans les Yoga-Sutra de Patanjali, afin de discriminer (Vivéka) le réel de l’illusoire (Maya), autrement dit ce qui est important, essentiel de ce qui est secondaire, afin de sortir de ces enchaînements inéluctables où nous précipite notre ignorance (Avidhya) tant que notre perception est voilée par une conscience encore endormie qui « se manifeste par sa tendance à la perception, à la jouissance et à la possession. » (P. Mukherjee)
Le Samkhya, par la réflexion, se propose de nous éclairer.
L’Univers serait dualiste : L’Esprit pur (Purusa) est associé de toute éternité à la Nature primordiale (Prakriti) qui est Principe.
Prakriti ne s’éveille et donc ne se manifeste que « par le regard » de Purusa. Cette manifestation est due au déséquilibre des constituants de Prakriti à savoir les Guna qui sont au nombre de trois. Quand ces Guna, que l’on peut traduire par qualités dans le sens caractéristiques, sont en équilibre c’est le Pralaya ou période de dissolution entre deux Kalpa (unité de temps de la cosmologie indienne).
Ces « qualités » sont :
Tamas correspond à l’inertie, au statisme, à l’apathie, à l’indolence. On le dit aussi lourd et opaque. Sa couleur est le noir. Quand Tamas prédomine nous sommes soumis à l’obscurité, à la stagnation, à la négligence et à la confusion. En équilibre cette modalité nous permet de ressentir.
Rajas c’est la transformation, la mutation. Son principe dynamique, excitant, mobile préside à l’action. Il est responsable de l’activité physique et mentale. Il est aussi décrit comme stimulant et agité. En déséquilibre il régit convoitise, impatience, besoin d’agir, passion et colère. Sa couleur est le rouge.
Sattva, que recherche tout(e)) yogin(i), dont le principe est lumière, clarté, harmonie (compréhension et équilibre), génère cependant l’attachement. Il est défini comme éthéré et radieux. Sa couleur est le blanc.
Selon le Samkhya ces Guna sont donc l’expression de TOUT ce qui existe selon l’agencement de leur proportion et équilibre, de la particule à l’Univers, de l’éthéré au dense, du principe à la forme.
« Les guna sont de la nature du plaisir, de la souffrance, de l’inertie, servant à illuminer, à activer et à restreindre, jouant le rôle de domination mutuelle, de dépendance, de production et d’accouplement. » (Aphorisme du Samkhya-Karika).
Quand tout va bien dans notre vie, que nous sommes dans un moment harmonieux, Sattva préside. Quand le monde se dérobe sous nos pieds, que les changements (non désirés) nous acculent vers l’instabilité, l’inquiétude et l’angoisse ; cet inconfort est de nature Rajasique. Quand nous perdons le goût de vivre, que l’angoisse nous paralyse, que nous entrons en dépression, cet état est dit Tamasique.
Patanjali dans les aphorismes des Yoga-Sutras précise :
« Pour le sage, tout est douleur, parce que nous sommes soumis aux conflits nés de l’activité des Guna et à la douleur inhérente au changement, au malaise existentiel, au conditionnement du passé ».
Puis Patanjali nous donne le moyen d’échapper à cette souffrance, il nous faut accéder au LÂCHER-PRISE. Pour ce faire il faut prendre conscience que notre douleur vient du fait que nous nous IDENTIFIONS à ce que nous vivons alors qu’il ne s’agit là que de l’action d’Ahamkâra, le sens du « JE », l’EGO, qui va briser l’Unité et créer un monde extérieur- objectif séparé du monde intérieur- subjectif. (De cette relativité apparaîtra l’espace et le temps).
Selon la théorie du Samkhya « un monde non perçu n’existe pas, pas plus qu’une perception sans objet. Le monde n’existe que dans la mesure où il est perçu. » La matière, l’Univers, n’est qu’énergie organisée, énergie indissociable de la conscience. L’élaboration du monde perceptible est liée au principe Temps, naît de la conscience car il n’a de mesure que par la PERCEPTION de la durée. Il s’exprime sous la forme de rythmes qui détermineront les agencements de la matière ainsi que les cycles de la Manifestation. Aucun hasard dans ces agencements mais la mise en application d’un plan pré-existant ; les mêmes lois organisent les perceptions, la pensée.
Ahamkara (le principe générateur de l’individuation) cosmique lié à Tamas va révéler les « élémentaux » (à l’état potentiel), les Tanmatra, dont le premier principe, Sabda, contient tous les autres. Il est le Son : AUM (à rapprocher de l’évangile selon Jean : Au commencement était le Verbe…). Puis Sparsa, principe du contact ; Rupa, principe des formes et couleurs ; Rasa, principe de saveur et Gandha, principe d’odeur.
La caractéristique Tamas des Tanmatra lié à Rajas forme les MAHA-BUTHA (grands éléments) qui sont respectivement : Akasa (éther, ciel) ; Vayu (air) ; Tejas (feu) ; Ap (eau) et Prithivi (terre)
Sous l’influence de Sattva (nous parlons toujours des Tanmatra) lié à Rajas apparaissent les facultés de connaissance, Jnanendriya : Manas (esprit) ; Srotra (ouïe) ; Tvak (toucher) ; Caksu (vue) ; Rasana (goût) et Ghrana (odorat).
Et enfin les organes d’action (à prédominance Rajasique) : Vak (parole) ; Pani (main) ; Pada (pied) ; Upastha (génitoires) et Payu (anus).
En récapitulant, le premier Tanmatra, Sabda dont la partie tamasique infère Akasa qualité de ce qui est sonore puis l’éther (ciel) et dont la partie rajasique forme la faculté d’expression et la voix. (Capacité de s’exprimer).
Le deuxième Tanmatra, Sparsa dont la partie tamasique infère Vayu qualité de ce qui est tactile puis l’air et dont la partie rajasique forme la faculté de préhension et la main. (Capacité de saisir).
Le troisième Tanmatra, Rupa dont la partie tamasique infère Tejas qualité de ce qui est thermique puis le feu et dont la partie rajasique forme la faculté de locomotion et le pied. (Capacité de se mouvoir).
Le quatrième Tanmatra, Rasa dont la partie tamasique infère Apas qualité de ce qui est gustatif puis l’eau et dont la partie rajasique forme la faculté de procéation et les génitoires. (Capacité de choisir).
Le cinquième Tanmatra, Gandha dont la partie tamasique infère Prithivi qualité de ce qui est olfactif puis la terre et dont la partie rajasique forme la faculté d’excrétion et l’anus. (Capacité de rejeter).
Sur le plan individuel le monde intérieur et subjectif, qui va nous permettre de prendre conscience, s’articule avec l’organe interne, Anta-Karana, qui est sous l’influence de Sattva et se décline en différents éléments. Tout d’abord BUDDHI, Volonté intelligente, Intuition discriminative, Connaissance. C’est par elle que nous sortons de l’ignorance métaphysique (Avidya) dès que nous déchirons le voile qui la recouvre sous l’influence de Tamas, et qui nous pousse à nous identifier à ce monde illusoire et impermanent (Maya). C’est en Buddhi que nous évaluons, déduisons et concluons. Manas, où siège le doute mais également les désirs, dont l’étymologie veut dire penser est souvent le terme employé pour parler du mental, (toujours avoir à l’esprit que mental à la même étymologie que mentir (!)). En s’appropriant tous les objets de notre perception il va les trier et les classer en les appréciant ou en les repoussant. Le discours du mental est : « plaisant-déplaisant (!) ». Tout ce qui est perçu est emmagasiné dans notre mémoire, dans notre inconscient, cette conscience périphérique est nommée Citta. Tout ce qui est « vu » est stocké dans cette mémoire et va déterminer la suite des actions.
Autre élément fondamental du Yoga : la RESPIRATION
La respiration porte le souffle qui est le vecteur du PRANA (principe vital d’énergie).
« Les souffles vitaux sont issus des dérivés psychologiques (Buddhi, Ahamkara, Manas) et non des éléments matériels (espace, vent, feu, eau et terre) ». (*2)
PRANA se divise en cinq souffles secondaires, les Vayu, ayant chacun une fonction précise : le premier d’entre eux porte le même nom que le PRANA, il préside à l’inspiration et commande à tout ce qui est élevé en l’être humain : intelligence, volonté, sensibilité. Prana nous permet d’appréhender le monde, d’assimiler les perceptions, de les mémoriser puis de s’exprimer et de communiquer. Il est situé dans le haut du corps, du cœur à la tête.
Le deuxième siège dans la région anale-périnée, il est le souffle d’en bas. Par lui nous expirons et éliminons. C’est par sa puissance qu’est rendue possible l’expulsion du bébé du ventre de sa mère. Apana établit toutes les forces primaires, instinctives ; son énergie se diffuse vers le bas et s’échappe par la plante des pieds.
Puis le souffle du milieu, Samana, situé dans la région épigastrique et ombilicale qui préside à la digestion et à l’élimination. Il est associé à l’élément feu (le feu digestif). Il naît de l’association de la partie inférieure de Prana et de la partie supérieure d’Apana et permet d’associer l’élément air à l’élément feu. Il maintient la coordination des fonctions.
Le souffle de diffusion, Vyana, produit de Samana en poursuit l’action. C’est par l’impulsion de Samana que Vyana assure la distribution, la circulation et la cohésion de Prana.
« Quand Vyana fonctionne correctement les structures ostéo-cartilagineuses sont fermes et résistantes, les muscles et les articulations sont mobiles, toniques, souples et harmonieusement synchronisées dans leur action, les tissus de protection, adipeux et conjonctif, les aponévroses, derme et épiderme notamment, conservent une bonne résistance et une élasticité suffisante pour remplir leurs fonctions, les grands systèmes et principaux organes, cœur, poumons, appareil digestif, endocrinien et nerveux fonctionnent correctement, l’élimination est aisée, les organes sensoriels sont sensibles et actifs, l’esprit est calme et concentré, le sommeil est réparateur. »(*4)
Et enfin Udana, produit du souffle d’en haut Prana, localisé dans la gorge et la tête. Il sépare le corps subtil du corps physique au moment de la mort, on le dit souffle de l’élévation spirituelle. Il est associé à la force intérieure et à la parole. Son action redresse le corps. Il produit la légèreté du corps et libère de la souffrance.
« Dans la tradition de l’Inde, on considère que le meilleur moyen de stimuler ce souffle est la pratique régulière de la dévotion, particulièrement par le chant sacré ».(*4)
Comme indiqué plus haut le Hatha-yoga, qui s’appuie sur l’interprétations des textes tantriques, étudie l’ ENERGIE qui est la base même de l’expression de la Vie, sa manifestation. C’est à ce niveau que nous entendons parler des chakras, au niveau du Pranamaya kosha. Selon les Tantra nous sommes constitués de cinq corps (gaines) comprenant un corps physique, Anamaya kosha, ce corps énergétique, Pranamaya kosha, un corps mental-émotionnel, Mananamaya kosha, un corps objectif, Vijananamaya kosha et un corps de réalisation ( béatitude), Anandamaya kosha.
Les chakras, centres d’énergie, seraient situés dans le voisinage des plexus nerveux, qui lieraient leur action au processus de formation de l’influx nerveux et à l’action de leurs systèmes, agissant sur le fonctionnement des mécanismes physique et intellectuel. « Par l’intermédiaire des plexus, les vibrations sensorielles, transmises par le système nerveux cérébrospinal, agissent sur le système nerveux sympathique qui innerve tous les organes. » (*) expliquant par là-même l’influence du psychisme sur le physique.
Bien que les textes tantriques mentionnent de nombreux chakras, sept se démarquent par leur importance :
Muladhara chakra, centre d’énergie sacré, régit le physique jusqu’au subconscient. Il possède une glande endocrine subtile : Kanda, siège de la Kundalini shakti. Il est influencé par les plexus sacré, hémorroïdal moyen, vésical ainsi que vaginal et utérin chez la femme et prostatique, caverneux et séminal chez l’homme. Les glandes interstitielles du testicule ou de l’ovaire ainsi que la glande coccygienne en dépendent. L’ambiance psychique y est beaucoup plus importante que dans les cinq autres chakras. (Exception faite du septième). Son centre est Prithivi (Terre).
Svasdhitana chakra, centre d’énergie abdominal, régit la vitalité intérieure. Le foie profite du rôle endocrinien de ce chakra. Les plexus lombaire et hypogastrique l’influencent. Son centre est Ap (Eau).
Manipura chakra, centre d’énergie ombilical, accumulateur d’énergie qui alimente les autres chakras. En activant ce chakra nous éliminons la torpeur. Les glandes surrénales, le pancréas et la rate sont les glandes endocrines qui agissent sur lui. Il est influencé par le plexus solaire (surnommé le cerveau abdominal) et le plexus mésentérique. Son centre est Tejas ou Agni (Feu).
Anahata chakra, centre d’énergie cardiaque, régit l’émotivité. Agit sur la glande thyroïde. Dépend du plexus cardiaque et thyroïdien inférieur. (« Derrière lui se trouve l’être psychique, l’âme individuelle qui est immortelle, qui préside à l’évolution individuelle demeurant toujours par-delà l’espace et le temps ») ( 2*). Il est le centre des Vayu (Vent).
Vishuda chakra, régit le mental d’expression. Il est en relation avec les parathyroïdes, les plexus de la gorge, pharyngien et thyroïdien supérieur. Centre d’Akasha (Ether).
Ajna chakra, centre d’énergie frontal, régit le mental pensant inférieur et la volonté. Sa glande endocrine est l’hypophyse (glande pituitaire) et il est influencé par le plexus cervical. Centre des Tanmatra et du Manas.
Le septième chakra a une place à part car il est alimenté de PRANA uniquement par induction. En effet aucun plexus n’agit sur Sahashrara chakra, son rôle est purement psychique. La glande endocrine concernée est l’épiphyse (glande pinéale). Son action sur les autres chakras se fait donc par induction suivant un processus d’ambiance qui met en jeu les réactions vibratoires de l’épiphyse et de l’hypophyse. Centre cinétique psychique, son action se fait sentir sur tous les éléments de la machine humaine. Centre de liaison entre Purusha et Prakriti.
Ce résumé, non exhaustif, nous éclaire partiellement sur l’action du HATHA-YOGA et permet peut-être de percevoir les liens qui se tissent entre les différents plans de la Manifestation.
C’est par la pratique, la Sadhana (terme sanskrit militaire signifiant stratégie) que Patanjali nous guide afin de nous permettre d’atteindre notre conscience profonde en libérant le mental de tout ce qui l’encombre.
« Yogashchittavrittinirodhah ». (Le yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental » (traduction du sanskrit par F.Mazet du 2ème aphorisme des Yoga Sutras de Patanjali (*5))